Par Marc Exavier
Dans une feuille de papier froissée qui traînait parmi mes livres, j’ai retrouvé cette phrase venue je ne sais d’où :
” La chose la plus tragique du monde est un homme de génie qui n’est pas un homme d’honneur.”
Et, tout de suite, m’est venue à l’esprit l’image de ces hommes et de ces femmes qui ont conduit notre pays vers ce bourbier sanglant où il patauge depuis un bout de temps. À défaut d’être des génies, ce sont des gens instruits, diplômés,et, pour certains, des professionnels de haut niveau. Mais avec quel cynisme, quelle indifférence, quel dédain ils et elles regardent souffrir et se faire massacrer toute une population. Quelle absence de conscience, de vergogne , d’humanité chez ces individus dotés de pouvoirs et de privilèges.
Bien sûr que l’humanité est notre nature – Michael Jackson chante divinement Human Nature – mais elle se cultive par l’éducation . Et c’est justement tous ces apprentissages, ces acquis, ces conquêtes, ces inventions, ces créations, ces pensées qu’on appelle la culture. L’École est créée pour donner à chaque individu la chance d’accéder à l’essentiel des connaissances et des valeurs qui constituent le patrimoine humain. La mission essentielle de l’École est d’enseigner l’humanité.
Quand je faisais ma Maîtrise en Éducation à l’Université de Montréal, l’un des derniers cours que j’ai suivi fut un Séminaire de lecture dans lequel je devais analyser , commenter et présenter deux livres – de mon choix – sur l’éducation. J’avais choisi un livre d’un des plus grands penseurs actuels de l’Éducation, le français Philippe Mérieu, intitulé ” Éduquer : Scénario pour un métier nouveau ; l’autre, c’était un ouvrage du chercheur québécois Jacques Perron- à ne pas confondre avec le médecin et romancier Jacques Ferron- intitulé : “Valeurs et choix en éducation “. Dans ce dernier texte que j’ai étudié avec beaucoup d’intérêt – tout comme l’autre – j’ai appris que les valeurs constituent les soubassements des comportements humains et qu’elles sont ” variables selon les groupes comme les individus”. Dans sa préface à cet ouvrage Jean Marie Beauchemin écrit :
” Dans le cadre d’une recherche systématique sur les aspects du système scolaire que favorisent les étudiants, il ( Jacques Perron) propose une définition opérationnelle des valeurs d’éducation et ouvre des horizons sur ce que la mesure des valeurs peut apporter à la science du comportement et à l’élaboration du projet éducatif québécois.”
Pilier d’une société, le système éducatif se conçoit et se construit sur des valeurs fondamentales. L’École existe, plus ou moins pareille un peu partout, mais chaque pays élabore son projet éducatif à partir de son identité culturelle, de ses visions du monde. Elle doit reposer sur les traditions tout en fixant les regards sur l’horizon des changements et des mutations. L’École est un système complexe voire ambigu, car l’éducation nous ancre dans notre passé, notre histoire, notre culture pour nous préparer à donner forme aux rêves du futur.
Nous sommes riches de ce que nos ancêtres nous ont légué et nous avons pour devoir de fructifier ce patrimoine. Encore faut-il que ce patrimoine soit partagé entre tous, qu’il ne reste plus confisqué par une minorité ( une élite ?) qui ne se soucie que de ses prébendes.
Nos élites sont pourries; c’est la faute à l’École, notre École insuffisante, ségrégationniste, inégalitaire, inadaptée. L’École haïtienne est à refaire : elle doit être pensée pour tous, basée sur nos valeurs, adossée à des principes transparents. L’Ecole ouvre sur l’universalité tout en nous donnant les outils et les moyens pour comprendre et affirmer nos particularités.
Nous devons reconnaître et revendiquer l’importance primordiale de l’École dans notre société et lui accorder les moyens, les crédits, les budgets adéquats.
Il nous faut en finir avec cette hypocrisie qui consiste à faire semblant de vouloir implanter en Haïti une École de qualité pour tous, alors que nous savons tous que sans des locaux appropriés et surtout des bons maîtres et des bons livres, notre système éducatif restera ce fiasco qui a engendré cette élite réputée répugnante, sans humanité, sans patriotisme et sans honneur.
Bati lekòl toupatou.
Mete liv nan lekòl yo .